Les publications sur la biodiversité de l’Afrique du Nord se multiplient et sont chaque jour de meilleure qualité scientifique. A cette occasion, nous parlerons de deux d’entre-elles, récentes sur la flore, et qui sont vraiment importantes, tous deux de collaborateurs de ce site : un nouveau livre rouge et une thèse de doctorat complété par un article récent publié dans l’African Journal of Ecology.
Fennane, M. 2021. Livre rouge de la flore vasculaire du Maroc. Travaux de l’Institut Scientifique, Série Botanique, n° spécial Premier centenaire de l’Institut Scientifique. Rabat. 750 pp.
La connaissance de la flore du Maroc a connu plusieurs jalons importants tout au long du siècle dernier et, plus particulièrement, au cours des deux dernières décennies. Le plus important a sans doute été la parution des 3 volumes de Flore Pratique du Maroc (Fennane, Ibn Tattou, Ouyahya, El Oualidi & Mathez, éd., 1999-2014). Avec ce travail, basé sur des clés dichotomiques, il a enfin été possible de quantifier et de différencier, pour la première fois, toute la flore connue du pays. Mais une grande partie de cette flore est menacée par les multiples transformations du paysage qu’a connues le Maroc au cours du siècle dernier. Conscient de cela, le Royaume du Maroc a approuvé en 2011 la loi 29-05 relative à la protection des espèces de faune et de flore sauvages et au contrôle de leur commerce, puis, en 2015, le décret d’application.
Dans la deuxième décennie du 21e siècle, la diversité et la taxonomie de la flore vasculaire marocaine (environ 4 000 espèces) étaient déjà bien connues et une législation avait été approuvée pour la protection de certaines espèces menacées. Mais il fallait connaître le véritable état de conservation des différentes espèces de cette flore. Pour finir de résoudre cette énigme, Mohamed Fennane, de l’Institut Scientifique, avec le soutien d’une importante équipe de botanistes nationaux et étrangers, s’est mis au travail et, entre 2016 et 2018, a publié sur le site Tela Botánica les « Éléments pour un Livre Rouge de la flore vasculaire du Maroc », dans une série de 10 fascicules.
Avec cela, la première liste rouge nationale venait d’être publiée. Mais un peu plus tard, en 2021, Fennane et son équipe de botanistes publient une deuxième version révisée en un seul volume, le Livre rouge de la Flore vasculaire du Maroc. Un livre très complet et attendu depuis longtemps basé sur les critères et catégories actuels de l’UICN. Sa grande valeur réside dans le fait qu’il ne s’agit pas seulement d’espèces menacées, mais de toutes les espèces du pays. Sans aucun doute, ce livre aidera non seulement à connaître le niveau de menace de chaque espèce, mais constituera également un outil de premier ordre sur lequel fonder les politiques et autres initiatives pour la conservation de la riche flore du Maroc.
Le livre peut être obtenu en écrivant à : edition.israbat@gmail.com o direction.institutscientifique@gmail.com
Bedair, H. (2020). Composition and pattern of wild trees and shrubs in the Egyptian flora. M. Sc. Thesis. Botany Department, Faculty of Science, Tanta University. 290 pp.
Au cours de cette thèse, Heba Bedair a étudié 228 taxons d’espèces ligneuses originaires d’Egypte (32 arbres, 192 arbustes, 2 lianes et 2 espèces hémiparasites). Loin des technicités parfois excessives des autres thèses, celle-ci est agréable à lire même avec la rigueur scientifique qu’elle contient. Tout au long de ses près de 300 pages, l’auteur expose la répartition de cette flore en familles et genres, selon les différents habitats du pays, selon sa taille, ses périodes de floraison, ses formes de reproduction sexuée ou encore les biens et services avec lesquels ces arbres et arbustes contribuent à la société. Parmi ses conclusions, il montre que les déserts égyptiens contiennent la plus grande richesse en espèces ligneuses.
Mais cette richesse est sérieusement menacée. 100% des espèces sont soumises à un type de menace. Le plus grave de tous est le surpâturage, mais celui qui affecte le plus les espèces est la récolte excessive, l’élagage et l’abattage pour des usages très divers, mais parmi lesquels se distingue la récolte de plantes à des fins médicinales. En raison de ces menaces et d’autres, sur les 228 taxons analysés, 3 taxons se sont déjà éteints dans le pays, 2 autres se sont éteints à l’état sauvage, et, l’énorme chiffre de 101 sont menacés d’extinction, dont 25 en danger critique, 52 en voie de disparition et 24 classés comme vulnérables.
20 ans plus tôt El-Hadidi et al. (2002) ont révélé la situation tragique des arbres et arbustes indigènes dans le pays, interpellant les organisations nationales (NCS, EPAN) et internationales (UICN, PNUE, WWF). Mais la situation, loin de s’améliorer, continue de s’aggraver. La surexploitation des plantes, le surpâturage, le développement touristique non durable, l’érosion des sols, la pollution et la surexploitation de l’eau, la destruction directe de la végétation et d’autres menaces existent parfois même dans les aires protégées.
Les mises à jour de cette thèse concluent que, entre autres préoccupations, 61 % des espèces d’arbres indigènes d’Égypte sont au bord de l’extinction.
On peut le lire dans un article récent qui vient de paraître (2022) sur les espèces d’arbres :
Shaltout, K. & Bedair, H. 2022. Diversity, distribution and regional conservation status of the Egyptian tree flora. African Journal of Ecology, 00: 1-29. DOI: 10.1111/aje.13071